Escapade à Moret-sur-Loing

À une heure de Paris, il existe un petit coin de paradis nommé Moret-sur-Loing. Cette charmante ville de Seine-et-Marne d’à peine 5 km², est un havre de paix pour ses 4464 habitants et pour les curieux qui viennent s’y ressourcer le temps d’un week-end ou d’une journée.

Pour pénétrer dans le centre-ville de Moret-sur-Loing, il faut emprunter l’une de ses portes fortifiées, vestiges incroyablement bien conservés de cette cité médiévale qui servait jadis de frontière entre le Duché de Bourgogne et le Royaume de France. Une fois la porte franchie, les maisons de ville à colombages guident nos pas et on se sent vite attiré par les petites ruelles qui s’échappent de la rue principale. Au bout de chacune d’elles, se cachent des trésors. Dans la cour du bel Hôtel de Ville, trône la façade François 1er, une galerie renaissance datant de 1527 conçue par l’architecte Nicolas Chabouillé qui, après avoir été vendue et déplacée à maintes reprises, a repris place à Moret depuis 1956.

Ancienne cité royale au temps des rois Capétiens, les témoignages de ce passé majestueux sont présents partout au cœur de la ville. Entre le donjon, seul rescapé de l’ancien château érigé au 12ème siècle par le roi Louis VI et la cathédrale Notre-Dame-de-la-Nativité, l’authenticité y est. Bâtie du 13ème au 15ème siècle, elle siège en plein milieu de la Place Royale au beau milieu des ruelles escarpées : on en a presque le vertige lorsque l’on lève les yeux au ciel pour admirer le sommet de ce joyaux gothique. À ne manquer sous aucun prétexte.

D’autant plus que juste à côté, se trouve la boutique du sucre d’orge. Cette friandise mythique – qui n’est autre que le plus vieux bonbon français créé en 1638 à Moret-sur-Loing par les sœurs bénédictines de Notre-Dame-des-Anges – fait la fierté de la ville. Son goût est doux, mielleux, quand on le met en bouche on retombe en enfance. Au fil des siècles passés, certains se sont damnés pour le goûter, il paraît même que Napoléon en raffolait. D’autres lui ont même dédié des poèmes. En 1893, dans « Aux Touristes », Emmanuel Déborde de Montcorin disait : 

 Las du bruit et de la poussière,
Lorsque vous irez à Moret,
Pour y pêcher dans la rivière,
Pour y rêver dans la forêt,

Vous verrez auprès de l’église,
Frappant vos regards étonnés,
Au coin d’un mur, pour qu’on les lise,
Ces mots : « SUCRE D’ORGE… » Sonnez !

Et voici que, faisant sourire
Ses yeux intelligents et bons,
Une sœur vient pour vous conduire
Dans un paradis de bonbons.

« Berlingots » aux formes changeantes,
« Bâtons » de sucre au caramel,
Toutes ces douceurs alléchantes
Sont comme un avant-goût du Ciel…

Jusqu’aux boites, dont un artiste
Fit la vogue en y dessinant
Ce pont du Loing, cher au touriste,
Et tout le site environnant.

Soyez prodigues à l’extrême,
Et sans crainte des châtiments,
Si vous voulez que Dieu vous aime,
Laissez-vous tenter, ô gourmands !

Car c’est l’œuvre mystérieuse,
- Mystère exquis et sans effroi –
D’une obscure religieuse
Qui vivait au temps du Grand Roi.

Moret n’a-t-il pas son « histoire »
Fidèle au moindre souvenir ?
- Livre d’or écrit à sa gloire
Par une main qui sait bénir ;

Nobles pages où l’auteur cite
Plus d’une Reine avec sa cour
Venant aux Sœurs rendre visite,
- Suivez l’exemple à votre tour !

Venez chercher du sucre d’orge,
La vertu s’en révèle au goût ;
Bon pour l’estomac, pour la gorge,
Il est doux aux pauvres surtout. »

Ce ne sera pas une sœur qui vous accueillera mais Yvette, digne héritière du sucre d’orge. Épouse de Daniel Rousseau, fils de Jean Rousseau à qui les religieuses ont transmis en 1970 la recette secrète du bonbon, elle perpétue sa fabrication artisanale de la même façon qu’on le faisait au 17ème siècle, ici même à Moret-sur-Loing. Mais avant de s’en délecter, il faut le mériter : passage obligé par le musée du sucre d’orge pour y découvrir son histoire rocambolesque.

Cette petite madeleine de Proust en forme de bâtonnet ou de berlingot, est à déguster sans modération tout au long de sa visite. De toute façon, quand on y a (re)goûté, on ne peut plus s’en passer. Et quoi de mieux que la douceur de cette friandise pour déambuler dans les petites rues paisibles et fleuries de ce havre de paix.

Moret est une ville bucolique dont le peintre Alfred Sisley (1839-1899) avait déjà fait à l’époque, l’un de ses coins favoris. Il y demeura même jusqu’à sa mort, dans une charmante petite maison située au 19 rue Montmartre qui n’est malheureusement pas visitable. Considéré comme le plus puriste et le plus grand paysagiste des impressionnistes, il a réalisé plus de 400 toiles de la ville et des communes voisines. Des reproductions géantes de ses œuvres sont à découvrir partout dans la cité, accrochées sur les façades, faisant de l’espace public un musée en plein air.

Parmi ses sujets de prédilection, la Seine et ses affluents. D’ailleurs, au loin, derrière le calme et le chant des oiseaux, un peu de tumulte se fait entendre. Rires et cris joyeux d’enfants raisonnent dans la cité médiévale. En empruntant une ruelle aux allures de tunnel, on rejoint enfin les bords de Loing. Et on en prend plein les yeux.

Quand la saison estivale arrive, les berges sont prises d’assaut par les touristes et les locaux en quête de fraicheur. Et en cet été caniculaire, l’arrêté d’interdit de baignade est tombé aux oubliettes. Au pied du pont, dominé par l’impénétrable porte de Bourgogne, les bouées en plastique glissent aux côtés des moulins à Tan et Graciot – construits au 15ème siècle pour travailler les peaux dans la tannerie – qui accueillent aujourd’hui des expositions d’art. Sur une petite île, l’ancien moulin Provencher – détruit en 1944 et remplacé depuis par une jolie demeure qui semble flotter sur le Loing – abrite le musée du sucre d’orge.

Du haut du Pont, les points de vue ne manquent pas. On dégaine à coup sûr son appareil photo pour immortaliser ces jeux de lumières sur l’eau et les arbres verdoyants qui la bordent. On comprend vite pourquoi ils ont tant inspiré Alfred Sisley. Dans cet écrin de verdure, dépaysement et ressourcement sont les maitres mots. Après une balade le long des berges, au son du Loing qui s’écoule, pourquoi ne pas y faire escale un moment pour y boire un café, déjeuner ou juste se reposer au pied d’un saule pleureur. À l’automne, quand les arbres s’effeuillent, le spectacle doit également être somptueux.

Pour les amateurs d’art, avant de faire demi-tour pour rentrer à la capitale, la visite se poursuit de l’autre côté du Pont. À peine quelques mètres plus loin, le Prieuré de Pont-Loup mérite le détour. Datant du 12ème siècle, seule l’église est encore debout et accueille sous sa nef magistrale des expositions d’art contemporain.

Que ce soit pour flâner dans les ruelles, chiner dans les boutiques d’antiquités, visiter les galeries d’art et les musées ou manger une glace les pieds dans Loing, ceux qui ont besoin d’ailleurs, le temps de quelques jours ou de quelques heures, trouveront sans nul doute leur bonheur à Moret-sur-Loing, loin du tumulte parisien.

À noter : Fière de son histoire, la ville organise chaque année la « Fête 1900 » le dernier week-end du mois de septembre (samedi 28 & dimanche 29 septembre 2019) pour replonger dans la Belle Epoque au gré des nombreuses animations organisées partout dans la cité. Costumes d’époque de rigueur !

Céline Coelho

Infos pratiques :

Office de Tourisme Moret Seine & Loing : 4Bis Place de Samois, 77250 Moret-Loing-et-Orvanne – 01 60 70 41 66 – https://www.msl-tourisme.fr/

Accès transports depuis Paris : Gare-de-Lyon – Ter ligne R, arrêt Moret-Veneux-les-Sablons (env. 45 min).


A propos Céline Coelho

Rédactrice digital nomade, écrit pour le blog depuis 2019.

A la découverte de la Place des Vosges : ici

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