Reportage dans l’un des endroits les plus improbables et les plus insolites de la capitale : les catacombes.
Quartier Denfert-Rochereau. 15 heures. Le ciel est gris. Les passants pressent le pas. Le bruit des moteurs de voitures et de leur Klaxon assourdit les oreilles. Scène habituelle de la vie parisienne. Dans ce tumulte, l’entrée des Catacombes reste inaperçue, un simple baraquement vert. Deux employés de la ville discutent sans me prêter d’attention. Je paie mon entrée, je tends mon billet, je passe le tourniquet. Et me voilà en train de descendre les escaliers. Le lieu est inaccessible aux personnes à mobilité réduite.
Je n’en mène pas large, m’attendant à me confronter à des crânes qui me vont me fixer de leurs yeux vides.
Léger moment de déception. Je pénètre d’abord dans une salle où sont affichés au mur des panneaux explicatifs. “Cours” de géologie. Le visiteur atteint “un banc de calcaire qui correspond à une période géologique appelée Lutétien”. On apprend ainsi que l’extraction souterraine de la “pierre de Paris”, issue des calcaires du Lutétien, a servi à la construction de Notre-Dame de Paris et de tous les bâtiments gothiques parisiens.
Je commence mon “excursion”. Je circule dans une galerie, bas de plafond qui ne semble jamais se finir et qui descend dans les entrailles de la Terre. Je pense à Jules Vernes et son livre Voyage au centre de la Terre. La notion du temps s’étiole. Mes chaussures claquent sur la pierre dont le bruit est un peu amorti par des gravillons. Odeur d’humidité. Il fait 14° C ici bas. Mais heureusement, je ne suis pas seule. J’entends discuter un couple quelques pas derrière moi. Cela me rassure.
Parcours mortuaire
Au bout de cet enchevêtrement de galeries et de couloirs étroits, j’arrive devant l’entrée de l’ossuaire avec, juste au-dessus, une inscription en signe d’avertissement : « Arrête, c’est ici l’empire de la mort. » Le voyage commence… Des ossements et des crânes partout, savamment empilés. Rien vraiment de très réjouissant. Je laisse glisser mon regard sans m’y attarder sur ce spectacle, un peu glaçant. Je presse le pas.
Le parcours mortuaire est long, très long. Sa monotonie est brisée par des inscriptions taillées dans la pierre. J’apprends que tels ossements ont été extraits de l’ancien cimetière Saint-Laurent en 1848, de l’ancien cimetière de Saint-Jean en 1847 ou de l’hôpital de la Trinité en 1814… Je remonte ainsi le temps avant d’atteindre ceux du cimetière des Innocents, LE cimetière à l’origine de toute cette histoire souterraine.
J’apprends ainsi que ce cimetière était situé, à l’origine, près de l’église Saint-Eustache, en plein cœur des Halles. Il avait « été en usage pendant près de dix siècles et était devenu un foyer d’infection pour tous les habitants du quartier. Après de multiples plaintes, le Conseil d’État, par arrêt du 9 novembre 1785, prononça la suppression et l’évacuation du cimetière des Innocents. Ce sont d’anciennes carrières qui furent choisies pour déposer les ossements.»
Six millions d’ossements
Depuis, les Catacombes de Paris sont devenus une “curiosité” à visiter, élevées au rang de “musée municipal”. Pourquoi pas…
Surgissent ici et là des sentences, des poèmes, des textes profanes ou religieux pour rappeler à la conscience du visiteur la condition éphémère de son existence. Un poème retient mon attention : « Ainsi tout passe sur la Terre / Esprit, beauté, grâces, talent / Telle une fleur éphémère / Que renverse le moindre vent. »
Plongée dans un état méditatif, je me retrouve soudain seule vivante parmi les morts. Peur qu’ils me murmurent leur vérité à l’oreille. Des voix au loin. J’accours pour rejoindre les autres visiteurs.
Présence surréaliste de deux gardiens du musée, assis derrière une colonne de crânes. Ils surveillent. Il est interdit d’utiliser les flashs. L’un d’eux explique à une touriste, dans un anglais rapide et haché, que « l’endroit abrite six millions d’ossements sur près de deux kilomètres ». Parmi eux, se trouveraient Rabelais et Montesquieu. Le gardien ajoute : « Cela fait quinze ans que je travaille ici. On s’habitue… » Pas moi !
Je poursuis ma promenade. La galerie ne semble jamais finir. Ah ! Fin du parcours. Enfin ! Je traverse encore quelques étroits couloirs et monte les dernières marches boueuses, hautes, qui me ramènent à la surface.
Des voix… L’air, enfin… L’impression d’être sortie vivante d’entre les morts. Ouf !
Informations pratiques :
Catacombes de Paris,
1, avenue du Colonel Henri Rol-Tanguy (Place Denfert-Rochereau)
Paris XIVe
Temps de la visite : 45 minutes
Informations et réservations au 01.44.59.58.31/ 01.43.22.47.63
www.catacombes.paris.fr
Article rédigé par Marina Al Rubaee
J’aurai bien aimé voir plus de photos mais l’article donne comme même quelques petits frissons. Future balade à Paris. Merci pour l’info.