Quand Le Lutèce du Parisien m’a proposé un article sur les ventes aux enchères, j’ai dit oui sans hésiter… Mais où aller ? À l’hôtel Drouot évidemment ! Ce lieu mythique, ouvert en 1852, est le rendez-vous incontournable des amateurs d’art, expérimentés ou juste curieux comme moi. Avant de m’y rendre, je consulte le programme des ventes à venir sur leur site internet et l’une d’entre elles me tape immédiatement dans l’œil : Haute-couture, mode et accessoires. Vendu !
5 juillet 2019, 11h, j’arrive à l’hôtel Drouot dans le 9ème arrondissement de Paris. Une fois la sécurité passée, j’ai l’impression de pénétrer dans un univers parallèle, ça fourmille dans tous les sens ! Côté décor, à première vue, rien d’extraordinaire. Lumière tamisée, murs sobres et au centre, un grand escalator qui dessert le sous-sol et l’étage. Je cherche la salle 6 pour assister à l’exposition de la vente que j’ai choisie. En effet, la veille et le matin de chacune des ventes qui ont lieu ici, chacun peut librement venir voir les lots mis aux enchères, histoire de faire sa sélection ou de vérifier leur état.
Au 1er, les portes de toutes les salles sont grandes ouvertes et j’aperçois des robes scintillantes dans l’une d’elles, je crois que j’ai trouvé mon chemin. En entrant, j’ai la sensation de faire un bond dans le temps : murs tapissés rouge vif, parquet ancien et partout dans cet espace, des portants pleins à craquer de pièces de créateurs (toutes numérotées et référencées dans le catalogue de la vente que je prends au passage) ont été entreposés. Je me mets à fouiller, passant de robes Paquin des années 30 en parfait état à un blouson Saint Laurent datant de 1968. Dans un coin de la salle, une grande vitrine abrite de nombreuses paires de chaussures, je repère instantanément des sandales Christian Louboutin imaginées pour YSL à l’occasion de sa collection printemps/été 2002. Je lève les yeux et continue d’être émerveillée. Les tenues les plus spectaculaires ont été enfilées par des mannequins en plastique qui prennent la pose sur les étagères, disposées le long des murs, éclairés par des projecteurs façon showroom de mode. En déambulant dans la pièce, je croise une femme en plein essayage d’un manteau, une autre en train de passer une veste Azzaro à sequins tout droit venue des eighties. L’attitude des visiteurs me donne l’impression d’être dans une friperie, détonnant ainsi avec le coté un tantinet bourgeois du lieu.
En sortant de la salle, je ne peux m’empêcher d’entrer dans celle d’à côté. Puis dans la suivante et celle d’après, quittant alors la haute-couture pour découvrir entre autres, des livres anciens, des pistolets du 18ème siècle ou encore des montres de luxe.
Après la pause déjeuner, le calme est revenu. J’accède de nouveau à la salle 6 dans laquelle se déroulera également la vente. Les portants ont été poussés et une quarantaine de chaises placées au centre de la pièce. Je me glisse discrètement au dernier rang. Perché sur une estrade et armé de son marteau en bois, le commissaire-priseur lance la vente à 13h30 précises. Une femme s’empare d’un micro. C’est la clerc qui détaillera chacun des lots et tentera, souvent en vain, de convaincre les acheteurs présents de sortir leurs chéquiers en accompagnant ses présentations de « c’est trop mignon », « c’est une pièce ex-cep-tio-nnelle ! », « ça vaut vraiment le coup ! ».
Les premiers lots sont signés Elisabeth de Senneville, une styliste française visionnaire et mondialement connue qui ne semble cependant pas faire l’unanimité dans la salle. J’entends surtout une femme et un homme assis derrière un grand bureau à gauche, pendus au téléphone, se battre à coup de « 200 », « 300 », « 500 » (euros) etc. Au bout de leurs fils ? Des acheteurs qui enchérissent en direct via ces collaborateurs de l’hôtel Drouot. À côté d’eux, une jeune femme concentrée sur son écran d’ordinateur s’immisce régulièrement dans ces joutes verbales : je comprends alors qu’elle gère le Drouot Digital. Eh oui, il n’est pas nécessaire d’être sur place pour participer à une vente, la plupart d’entre elles sont retransmises en direct sur le site internet pour ceux qui veulent enchérir sans même avoir à sortir de chez eux.
Les lots, les « adjugé, vendu » et les coups de marteau s’enchaînent à une vitesse folle. Les portes étant ouvertes tout au long de la vente, les gens entrent et sortent sans arrêt. Parmi eux, certains me semblent être des habitués, d’autres des visiteurs curieux qui s’aventurent quelques instants, s’assoient parfois un moment avant de repartir. L’attitude blagueuse des professionnels ne parvient pas à ébranler le sérieux du public présent. Les visages sont fermés, tendus même, les regards plongés dans leurs catalogues ou rivés sur leurs smartphones. Je suis surprise, je m’attendais à plus de brouhaha, plus de frénésie, pourtant je peux vous dire que le commissaire-priseur y met du cœur, s’extasiant régulièrement sur les pièces présentées aujourd’hui à coups de « c’est magnifique », « c’est le moment d’acheter », « il faut absolument en avoir une dans sa garde-robe ! ».
Vers 14h15, une femme d’une trentaine d’années entre et prend place au deuxième rang. Déjà 80 lots vendus quand arrive le tour d’un ensemble en velours Karl Lagerfeld… Alors que jusqu’à présent je n’avais entendu personne enchérir en salle, cette-dernière réveille l’assemblée. Après une brève bataille, elle lance : « 350 ! » et obtient le dernier mot. Le crieur, qui a pour rôle d’énoncer haut et fort le montant des enchères, vient lui remettre l’étiquette du lot qu’elle vient d’acquérir afin qu’elle puisse retirer son achat à l’issue de la vente. En échange, elle décline son identité et lui remet sa carte de crédit avant de s’éclipser. Tout au long de l’après-midi, d’autres acheteurs à l’attitude similaire feront apparition dans la pièce, quelques minutes seulement, pour acquérir un ou deux lots repérés au préalable avant de disparaître presque aussi sec.
Si tout au long de la vente les enchères ne grimpent pas très haut, quelques rares pièces me tiennent en haleine comme un superbe ensemble Jean-Paul Gaultier intitulé « hommage à Amy Winehouse » (printemps/été 2012) qui finit par se vendre à 1700 euros ou un manteau en laine gris chiné Yves Saint Laurent (1970) estimé à 800-1000 euros qui atteint finalement 3200 euros. À noter qu’en plus du prix, les acheteurs devront régler des frais supplémentaires fixés et annoncés avant le début des enchères.
Pour épuiser les 481 lots mis en vente ce jour-là, il aura fallu plus de 4h, c’était long… Même si je me suis un peu assoupie par moments, en sortant de la salle, me revoilà plongée dans ce fourmillement incroyable et sur le chemin du retour, en repensant à la journée que je viens de passer, j’ai l’impression d’avoir été contaminée par la fièvre de Drouot. C’est décidé, je reviendrai y faire un tour à la rentrée (après la fermeture estivale de l’hôtel) et cette-fois, c’est sûr, je me laisserai tenter !
Hôtel Drouot : 9, rue Drouot, 75009 Paris
Ouvert à tous, du lundi au vendredi de 11h à 18h et certains samedis et dimanches.
Réouverture le 12 septembre 2019.
Pour plus d’infos : https://www.drouot.com/
Céline Coelho
Rédactrice digital nomade, écrit pour le blog depuis 2019.
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