Personne n’a oublié l’incendie qui a détruit une partie de la célèbre cathédrale Notre-Dame : la flèche, la toiture, l’horloge et une partie de la voûte partent en fumée sous les yeux ébahis de milliers de personnes, le 15 avril 2019. Les yeux du monde entier ont pleuré, rivés sur ce bel édifice parisien, l’un des symboles de la France, perdu à jamais ? Non ! Les mesures ont été prises pour que les générations futures puissent à nouveau lever les yeux et admirer ce chef d’œuvre architectural. Le président Emmanuel Macron s’engage à faire reconstruire la cathédrale à l’identique, et promet que le monument sera rendu au culte le 16 avril 2024, soit 5 ans après la date de l’incendie. Pour reconstruire la charpente de Notre-Dame, des chênes de toutes les régions de France sont sélectionnés pour être abattus. Les premiers ont été tronçonnés en mars 2021. Quelle est la suite du programme ? Découvrez-le !
Pourquoi choisir le chêne ?
Considéré comme le roi des arbres, le chêne est également un symbole de force, de longévité et de sagesse. Il symbolise la puissance et la perpétuité. S’il croît lentement, cet arbre est également le plus majestueux de nos jolies forêts de l’hémisphère nord. Légende ou histoire vraie, on raconte que Saint-Louis rendait justice sous un chêne, ces arbres qui vivent particulièrement vieux, 500 ans en moyenne, seraient une belle manière de rendre sa beauté d’antan à la charpente disparue de Notre-Dame de Paris.
Le chêne est particulièrement apprécié dans le mobilier ou les charpentes en raison de sa solidité, de sa robustesse, de sa résistance à l’humidité et de sa capacité à traverser les âges. Charpentiers, menuisiers et ébénistes aiment le travailler pour son élégance et son raffinement.
Un besoin de 2 000 chênes pour une charpente d’envergure
La reconstitution à l’identique de la charpente ne nécessite pas moins de 2 000 chênes. Si le chiffre peut sembler assez élevé, pas de panique, la France regorge de bois et d’importantes surfaces de forêts. Selon l’Institut national de l’information géographique et forestière, les chênes compteraient d’ailleurs parmi les essences les plus représentées sur le territoire français.
On parle d’ailleurs de « la forêt » pour nommer la charpente de la cathédrale, il faut dire que le titre est mérité ! Les dimensions de l’ancienne charpente étaient titanesques, les poutres ne mesuraient pas moins de 100 mètres de long, 40 mètres de large à certains endroits et 10 mètres de haut. De quoi donner le vertige ! Les poutres les plus anciennes, toutes taillées dans un chêne différent, ont traversé plus de huit siècles avant de périr dans l’incendie ravageur d’avril 2019. Le casting pour sélectionner les 2 000 chênes qui serviront à la construction de la future charpente n’est pas moins sélectif et exigeant : les chênes se doivent d’être parfaitement droits, sains, ils doivent mesurer plus de 20 mètres de haut et plus d’un mètre de diamètre. Que les âmes écologistes ne paniquent pas : le bois est un matériau particulièrement durable, le chiffre de 2 000 chênes représente un très faible pourcentage d’arbres par rapport à la surface forestière présente sur le territoire, enfin, pour chaque arbre retiré, c’est un nouvel arbre qui aura l’occasion d’être planté à sa place !
Charpente disparue vs future charpente
Et la future charpente de Notre-Dame pourrait être gagnante : les experts pointent la qualité assez médiocre du bois utilisé par les artisans médiévaux. Ces derniers étaient en effet moins attentifs aux conditions de séchage que les professionnels d’aujourd’hui, ils travaillaient souvent avec les matériaux disponibles et non forcément choisis. La charpente disparue était cependant résistante, cette durabilité pouvant s’expliquer par la technique utilisée à l’époque : toutes les poutres ont été taillées à la hache, technique qui respecte particulièrement le fil du bois et lui offre une certaine souplesse, facteur clé pour une résistance assurée.
Il est certain que la construction de la future charpente ne se fera pas en un claquement de doigts, la sélection des chênes a pris plus d’un an, le taillage et le séchage sont également des opérations qui nécessitent une certaine patience. Les architectes et décideurs du projet ont à leur disposition les écrits de Viollet-le-Duc, architecte à l’origine de la flèche de Notre-Dame au XIXème siècle (telle que nous la connaissions avant l’incendie). La charpente médiévale est très documentée et il semble possible de la reconstruire à l’identique : relevés de travail et plans d’exécution sont toujours existants, une mine d’or à l’heure actuelle. Rappelons que la charpente date de deux époques bien distinctes : la forêt, les poutres taillées à la main et travaillées lorsque le bois était encore vert, date du XIIIème siècle tandis que la flèche dessinée par Viollet-le-Duc date du XIXème siècle et est réalisée en bois scié et sec.
La sélection des premiers chênes
En mars 2021, il y a quelques mois, les premiers chênes centenaires dédiés à la nouvelle charpente de Notre-Dame, ont été sélectionnés et abattus. Ils serviront à la reconstruction du transept et de la flèche. Roselyne Bachelot, ministre de la Culture et Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture, se sont rendus dans la Sarthe, en forêt de Bercé, pour assister au prélèvement de ces vieux chênes français. Mars n’est pas un hasard dans le calendrier, il est en effet nécessaire de tronçonner les arbres avant la montée de sève. Huit chênes, vieux de plus de 200 ans, ont été prélevés pour leur ligne et leur courbure spécifique. En tout, c’est plus de 1 000 arbres qui ont dû être abattus d’ici la fin du mois de mars 2021. Le bois non coupé avant cette date le sera plus tard (automne 2021), ce décalage permet d’ajuster la sélection de bois en fonction des premières réceptions du bois en scierie. À la suite de cette opération de découpe, les arbres ont été débardés puis stockés à l’air libre. Ils sont ensuite sciés et débités. Le bois doit ensuite attendre et être entreposé pendant 12 à 18 mois, le but est de faire diminuer son taux d’humidité de 30 à 45 %. C’est seulement après toutes ces étapes que les poutres pourront être mises à disposition des charpentiers, probablement courant 2023.
Les forêts domaniales françaises sont tout à fait capables de fournir un grand nombre de chênes, les arbres y sont en effet menés en futaie régulière, une technique qui permet aux arbres d’être particulièrement élancés. On estime que la moitié des arbres nécessaires à la reconstruction de la charpente de la cathédrale proviendront des forêts publiques. Environ 150 forêts privées seront sollicitées pour la qualité de leurs chênes. Forêts prestigieuses ou plus modestes, les arbres viendront de tous horizons. Toutes les régions sont ciblées même si l’Est, la Bourgogne, l’Île de France et le Val de Loire sont davantage représentés. Certains industriels ont également fait don d’arbres provenant de leurs propres ressources forestières. Certains donateurs étrangers proposent également leurs arbres, il n’est pas exclu d’accueillir ce bois pour une charpente plus cosmopolite.
Le tour de France des forêts en vue d’une sélection des plus jolis chênes est peut-être un coup de communication mais il prouve également la fédération du peuple français autour d’une cause commune. Il ne reste qu’à prêter l’oreille le 16 avril 2024, en espérant que le vent fasse résonner les cloches de la cathédrale, célébrant la renaissance de Notre-Dame.
Béatrix Benoist d’Anthenay
Rédactrice digital nomade, écrit pour le blog depuis 2019.