Les guinguettes de la Marne sans chichi

Bonne nouvelle : à 20–40 minutes de Paris, l’esprit guinguette bat toujours la mesure. Accordéon au soleil, péniches qui glissent, friture qui crépite, bal sous les guirlandes. L’ambiance reste simple, populaire, joyeuse. Vous arrivez en RER ou à vélo, vous trouvez une table à carreaux, vous voyez l’eau filer. Le programme tient en trois mots : manger, trinquer, danser. Pas besoin de pas parfaits : un déhanché suffit. Les adresses se partagent entre Nogent, Joinville, Champigny. Le décor : rive bordée d’arbres, terrasses en enfilade, airs connus qui reviennent. Le Lutèce du Parisien vous embarque côté Marne pour un été léger, sans chichi et avec le sourire.

D’où viennent les guinguettes ? Mini-histoire, maxi-ambiance

Le mot guinguette vient du vin guinguet. Un petit blanc d’Île-de-France, léger et un peu piquant. On le buvait hors de Paris, au-delà des barrières, pour échapper aux taxes sur les vins qui touchaient la Ville Lumière. Résultat : des cabarets simples, posés au bord de l’eau. Chaises en bois, nappes à carreaux, rires qui roulent.

L’essor démarre au XVIIIᵉ siècle. Au XIXᵉ, c’est la sortie du dimanche. On danse le musette, on mange friture et fromage, on trinque avec les copains. Vers 1900, c’est l’âge d’or des guinguettes. Ouvriers, artistes, familles : tout le monde se retrouve sur les berges.

Après-guerre, les habitudes changent. La télé, la voiture, l’eau moins propre font reculer la fête. Mais dès les années 1980, les guinguettes de la Marne renaissent. Aujourd’hui, elles ont gardé leurs guirlandes, leurs airs d’accordéon et leur bonne humeur. Et toujours, l’envie de danser les pieds dans l’herbe.

Pourquoi la Marne ? Chansons, films et dimanche au soleil

Nogent et Joinville sont vite devenus des symboles du dimanche festif. Les trains, puis le RER, y déposent les Parisiens en moins de quarante minutes. On descend, on marche deux pas, et on entend déjà l’accordéon.

Côté chansons, “Ah ! Le petit vin blanc” colle pour toujours à Nogent. Joinville, lui, reste associé à ses guinguettes et au refrain “À Joinville-le-Pont”. Ces airs sentent la friture et le verre qui tinte.

Le cinéma n’est pas en reste. En 1936, La Belle Équipe est tournée sur une île de la Marne et aux studios de Joinville. L’histoire d’amis qui montent leur guinguette… et un décor qui existe encore : la passerelle “La Belle Équipe”.

Depuis, la Marne garde cette image joyeuse. Des tables au bord de l’eau, un verre qui brille au soleil, et Paris qui paraît déjà loin.

Trois guinguettes iconiques à tester

Chez Gégène (fermé temporairement en 2025) à Joinville-le-Pont, c’est une légende. L’institution est née avant 14–18 et reprise en 1918 par Eugène “Gégène” Favreux. On y danse encore comme au temps des bals musette, entre cuisine tradi et serveurs qui connaissent l’histoire par cœur. C’est un mythe vivant, et personne ne vous jugera si votre java tourne vite au freestyle.

À l’Île du Martin-Pêcheur à Champigny, la vue sur la Marne s’invite à chaque table. Grande terrasse, jardin fleuri, salle pouvant accueillir jusqu’à 180 couverts. On y vient du mercredi au dimanche, pour un déjeuner au soleil ou un dîner qui se termine sur la piste. L’esprit guinguette se mélange ici à celui d’une réception familiale, verre de vin en main.

Plus jeune, mais déjà adoptée, La Guinguette des Maquereaux à Nogent a ouvert en 2019. Ambiance “mer & Marne”, transats au bord de l’eau, assiettes fraîches et playlist qui glisse de la bossa à la pop. À trois stations de RER de Paris, on oublie vite la ville pour siroter un verre les pieds presque dans l’eau. Ici, pas de snobisme : on vient pour la musique, la vue, la tarte aux fraises et ce pas de danse un peu bancal qui finit toujours par faire sourire tout le monde.

Profitez de la Marne pour flâner

Le long du quai de Polangis à Joinville, la balade sent bon la carte postale rétro. On croise des péniches, des vieux platanes et, au détour d’un virage, la passerelle La Belle Équipe. Construite en 1933, restaurée en 1994, elle garde le charme du film de Duvivier tourné juste là. Pour prolonger l’ambiance sans toucher au volant, on peut embarquer pour une croisière-déjeuner direction Chez Gégène. Le clapotis, l’odeur du barbecue qui arrive avant le quai, et soudain la sensation que Paris est bien loin, même si on y retourne en moins d’une heure.

Mode d’emploi pour guinguer sans stress

Facile d’accès : RER A pour Joinville ou Nogent, RER E pour d’autres rives, et pour les plus motivés, le vélo offre un trajet parfait le long des bords de Marne. Côté budget, comptez un menu tradi avec frites ou friture à prix variable selon l’adresse. Mieux vaut jeter un œil aux horaires saisonniers et, parfois, réserver. Les petits bonus changent selon les guinguettes : grande terrasse, jardin ombragé, piste couverte pour danser même si le ciel boude. Certaines annoncent leurs soirées bal en ligne, donc un clic avant de partir évite les mauvaises surprises. Ici, pas de pression : on lève son verre, on rit, on danse, même si le pas est bancal.

L’esprit guinguette

Esprit guinguette oblige : on libère la table quand la piste s’anime et on garde le sourire, même si on se fait marcher sur les pieds. Les enfants ont souvent un petit coin jardin pour s’amuser, et les poussettes passent si l’affluence le permet. On lève son verre de petit vin blanc ou de limonade en refaisant le monde, mais toujours avec modération. Ici, on partage la musique, la vue sur l’eau et l’envie de passer un bon moment, sans chichi ni dress code.

Une heure, une après-midi ou toute la journée, les guinguettes de la Marne savent mettre la bande-son parfaite à votre dimanche. On rentre avec la tête légère, les baskets couvertes d’un voile de poussière et un air d’accordéon coincé dans un coin de la mémoire. Et, déjà, cette petite envie qui gratte : revenir s’asseoir au bord de l’eau, un verre à la main, pour laisser filer le temps.


A propos Béatrix Benoist d'Anthenay

Rédactrice digital nomade, écrit pour le blog depuis 2019.

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