Si l’art intrigue et éveille les consciences, il suscite souvent des émotions et libère les opinions. Qu’on ait apprécié ou non l’Arc de Triomphe emballé par Christo et Jeanne-Claude, l’œuvre d’art a déclenché des réactions et n’a pas laissé de marbre l’opinion publique. L’occasion pour la Ville Lumière d’attirer tous les regards. À quelques jours du démontage, revenons sur cette œuvre éphémère qui a animé les conversations.
La concrétisation d’un projet au long cours
L’Arc de Triomphe n’a pas encore retrouvé son visage initial. Le démontage a débuté le mardi 4 octobre et devrait se poursuivre jusqu’aux commémorations du 11 novembre prochain. La Place de l’Étoile a été piétonnisée pour l’occasion, les visiteurs ou curieux pouvaient ainsi mieux profiter de l’Arc de Triomphe empaqueté. La fin du projet pensé dès 1962 lorsque Jeanne-Claude et Christo admiraient le célèbre monument parisien depuis leur appartement d’alors, rue de Saint-Senoch, semble proche.
La concrétisation posthume du rêve des deux artistes décédés a été rendue possible grâce à Vladimir Yavachev, neveu de Christo et Jeanne-Claude et également directeur du projet. Si le succès d’une oeuvre d’art est difficile à estimer, il semblerait que 800 000 visiteurs se soient déplacés pour admirer l’oeuvre. À mi-chemin entre art classique et art contemporain, l’Arc de Triomphe emballé a bénéficié d’une visibilité certaine sur les réseaux sociaux.
La naissance de l’œuvre
C’est le Centre Pompidou qui avait suggéré à Christo de réfléchir à la création d’un projet à Paris il y a plus de 60 ans, l’artiste avait alors immédiatement pensé à l’Arc de Triomphe, LE monument à conquérir à ses yeux. Parmi les autres raisons qui ont poussé Christo à s’intéresser à l’Arc de Triomphe, il faut citer les volumes assez simples et cependant colossaux du monument. L’artiste avait l’intuition qu’emballer l’Arc de Triomphe magnifierait ses formes et sublimerait son architecture. C’est également pour la symbolique du lieu que le monument attirait Christo, chargé d’Histoire, l’Arc de Triomphe imaginé par Napoléon célèbre les grandes batailles, ce qui confère un intérêt certain aux yeux de l’artiste.
Un projet autofinancé
Cette œuvre étonnante n’a bénéficié d’aucun financement, comme toutes les œuvres de Christo et Jeanne-Claude. L’opération n’a coûté pas moins de 14 millions d’euros et pas un seul petit centime n’est sorti de la poche de l’État français. C’est la vente privée d’œuvres originales de l’artiste comme des maquettes, des collages, des lithographies ou encore des dessins préparatoires qui a autofinancé le projet. Les Parisiens et touristes ont donc pu admirer cette œuvre originale et éphémère installée pour une quinzaine de jours en toute gratuité.
La vision des artistes
Le chantier est colossal ! 25 000 mètres carré de tissu recyclable ont servi à recouvrir le monument parisien et 3 000 mètres de cordes en polypropylène rouge maintenaient le tissu. Conformément à la vision des artistes, les morceaux de tissu sont amples et non collés aux parois de l’Arc de Triomphe, ondulant au gré du vent, ils confèrent à l’oeuvre finale un aspect changeant et aléatoire. Le couple d’artistes souhaitait ne pas affecter le monument historique.
Et après ?
Quel avenir pour la toile utilisée pour l’empaquetage de l’Arc de Triomphe ? Les matériaux employés seront « recyclés, réutilisés et upcyclés » annonce un communiqué de presse. L’ONG Parley for the Oceans, qui lutte contre la pollution marine, se chargera à priori de réutiliser les tissus. Une partie de l’acier utilisé pour la réussite du projet a été emprunté auprès d’ArcelorMittal et sera rendu à la société, le reste sera recyclé en région parisienne. Les éléments en bois installés sous la toile et permettant le bon maintien de l’œuvre seront utilisés par les charpentiers de Paris qui ont contribué à l’installation du projet.
L’Arc de Triomphe emballé restera à jamais la dernière œuvre du plasticien mort en mai 2020, rappelons qu’à l’origine l’œuvre aurait dû être mise en place du 6 au 19 avril 2020, une sorte de cadeau d’adieu de l’artiste …
Béatrix Benoist d’Anthenay
Rédactrice digital nomade, écrit pour le blog depuis 2019.