L’agriculture urbaine parisienne

Cultiver des fruits, des légumes et élever des animaux au cœur de la ville ? Voilà le principe de l’agriculture urbaine. Mais dans une métropole aussi densément construite que Paris, comment la pratique-t-on ? Où se cache-t-elle ? Et que produit-on ? Chaussez vos bottes en caoutchouc, on vous dit tout !

L’agriculture urbaine est née dans les années 1990 dans les pays du « sud » afin de faire face aux pénuries alimentaires. Dans les pays du nord, jusqu’au milieu des années 2000, elle était surtout appréciée pour ses fonctions paysagères, la ville étant plutôt considérée comme un lieu de consommation que comme un espace de production. Mais, dans un monde de plus en plus peuplé – en 2050, la population mondiale comptabilisera 9 milliards d’individus dont deux tiers vivant en ville – l’agriculture urbaine tend à devenir un moyen incontournable et nécessaire dans la lutte contre l’insécurité alimentaire et dans le domaine du développement durable, aussi bien dans les pays du sud que dans le reste du monde.

L’agriculture urbaine à la Ferme de Paris : pédagogie, éco-pâturage et permaculture

Impossible de parler d’agriculture parisienne sans évoquer la Ferme de Paris. Située dans le bois de Vincennes dans le 12ème arrondissement, cette ferme urbaine de 5 hectares qui rassemble cultures et élevages traditionnels de la région francilienne est tournée vers la pédagogie et la sensibilisation du public à l’agriculture éco-responsable. Prairies, vergers et potagers sont entretenus et cultivés de façon écologique : on y pratique le recyclage des matières organiques, la rotation des cultures ou encore la lutte biologique pour préserver la biodiversité et le bien-être animal. En installant ses moutons d’Ouessant dans les espaces verts de la ville, elle fait de l’éco-pâturage pour entretenir pelouses et friches de façon écologique. Mais la Ferme de Paris, c’est aussi un lieu d’expérimentation, notamment de la permaculture Cette technique, inspirée du fonctionnement de la nature, consiste à faire interagir les plantations entre elles afin de créer des écosystèmes humains durables. Nécessitant peu d’entretien, ils permettent d’optimiser le taux de production tout en préservant les ressources naturelles (eau, sols, énergie et biodiversité). Car l’agriculture urbaine, c’est aussi réinventer de nouvelles façons de produire pour créer le système alimentaire de demain.

L’agriculture urbaine parisienne favorise les circuits courts

Les aliments consommés à Paris parcourent en moyenne 650 km, ce qui représente environ 18% de l’empreinte carbone de la ville. Placer la production agricole au plus près du consommateur permet une commercialisation en circuit court et la réduction de l’impact des transports liés à l’alimentation.

Paris s’est d’ailleurs fixé l’objectif de végétaliser 100 hectares de la capitale et d’en consacrer 30 à l’agriculture urbaine d’ici 2020. Mais pour cultiver en pleine ville, il faut repenser l’espace et l’aménagement urbain, réinvestir des lieux laissés à l’abandon ou inexploités et développer de nouvelles formes d’agriculture.

Pas de place sur la terre ? Pas de problème ! On peut cultiver hors sol en créant des potagers sur les toits comme l’a fait l’entreprise Sous les Fraises qui a ouvert la première ferme urbaine sur toit de France en 2015. Installée au sommet des Galeries Lafayette (9ème), plus de 1800 variétés de plantes, tomates, fraises, framboises, fleurs comestibles ou encore kiwis, chou kale et aromates sont cultivés en permaculture verticale sur de la laine de mouton et de chanvre. Aucun engrais ou produit chimique n’est utilisé, ce sont les déchets organiques qui fournissent les nutriments nécessaires et un système de gouttières permet de récupérer et redistribuer l’eau de pluie. Une partie des récoltes est vendue à L’Epicerie du Toit, la première épicerie fine urbaine inaugurée par Sous les Fraises, une autre sur des marchés et à des restaurateurs. De nombreuses autres initiatives ont suivi, comme l’entreprise Bien Elevées qui a investi 700 m² du toit d’un magasin Monoprix du 13ème arrondissement pour y planter plus de 35000 bulbes de safran. Et l’or rouge est vendu dans le magasin juste en dessous !

On végétalise aussi les murs. Sur certains d’entre eux pousse du houblon, une plante grimpante utilisée pour le brassage de la bière. Dans le cadre de l’appel à projets Parisculteurs, la capitale à mis à disposition des centaines de mètres carrés de murs pour fournir les brasseries de la ville comme La Parisienne qui a végétalisé plus de 1500 m² de murs parisiens et planté plus de 700 pieds de houblon. Créée en 2014 dans le 13ème arrondissement, elle est aujourd’hui installée aux portes de Paris à Pantin (Seine-Saint-Denis) et produit une bière artisanale et locale à découvrir dans de nombreux bars, restaurants et points de vente parisiens.

Bien au-delà de l’aspect esthétique, végétaliser les murs et cultiver sur les toits permet la rétention et la réutilisation des eaux pluviales, l’amélioration de la qualité de l’air, le développement de la biodiversité mais aussi de réguler la température ambiante et de rafraichir les villes en limitant le phénomène d’îlot de chaleur urbain.

Et si on mettait la technologie au service de l’agriculture ? C’est le cas d’Agricool qui réhabilite des containers maritimes usagés en les transformant en serres pour cultiver des fraises en plein cœur de Paris. Dans ces fermes ambulantes, on cultive en aéroponie : les plantes, suspendues les unes au-dessus des autres, reçoivent par brumisation eau et nutriments au niveau des leurs racines laissées à l’air libre. Ce système de culture en circuit fermé garantit une meilleure qualité de l’air et de lumière, une irrigation ultra performante permettant d’utiliser 90% moins d’eau et de nutriments et d’obtenir une densité de plantes 120 fois plus productive qu’en pleine terre. Dans ces Cooltainers de 30 m², il est possible de récolter l’équivalent de ce que l’on peut obtenir sur 4000 m² de pleine terre en agriculture traditionnelle et ce, sans pesticides ni OGM, le tout alimenté par des énergies renouvelables. Des ruches ont même été installées pour préserver la pollinisation. Ces fraises 3.0 sont commercialisées dans divers magasins de la capitale. Retrouvez toutes les adresses sur leur site internet.

On réhabilite aussi des lieux insolites laissés à l’abandon. La Caverne, une ferme urbaine souterraine s’est implantée en 2017 au deuxième sous-sol d’un parking désaffecté situé sous une barre HLM du 18ème arrondissement. Dans cet espace de 3600 m², on produit des cultures parfaitement adaptées au lieu comme les endives qui poussent dans le noir. Elle applique les principes de la permaculture en utilisant des méthodes de production peu énergivores comme les leds, qui dégagent et consomment peu de chaleur, sous lesquelles se développent des micropousses. On y retrouve aussi des champignons, pleurotes et shiitakés, cultivés sur des blocs de paille et de son de blé. Les matières organiques sont recyclées en compost pour fertiliser les cultures. Les récoltes de La Caverne, certifiées bio,sont vendues sur certains marchés parisiens ou en ligne et livrées à vélo ! Et comme la plupart des denrées issues de l’agriculture urbaine parisienne, elles sont aussi distribuées dans les nombreuses AMAP ou autres réseaux et commerces de proximité comme La Ruche qui dit Oui ! ou Au Bout du Champ, qui soutiennent et entretiennent les petites exploitations locales parisiennes et franciliennes.

L’agriculture urbaine créatrice de lien social

À l’heure actuelle, l’autonomie alimentaire de Paris n’est que de 3 jours et pour assurer l’autosuffisance en fruits et légumes des parisiens, il faudrait cultiver 1,5 fois la surface de la capitale. Mais les nombreux espaces encore inexploités et les constructions en cours permettront à Paris de développer son potentiel d’agriculture urbaine et d’optimiser tous les enjeux qui en découlent. Car au-delà de la sécurité alimentaire, le concept d’agriculture urbaine est multifonctionnel et joue un rôle sur le développement durable et la biodiversité, l’aménagement urbain, l’économie mais il permet aussi de recréer du lien social.

Chacun à son échelle peut devenir acteur de l’agriculture urbaine parisienne. Et oui, sachez que vous pouvez cultiver votre propre potager dans les nombreux jardins partagés de la capitale ou même exploiter l’espace public en installant des jardinières dans les rues ou en végétalisant des pans de murs grâce au Permis de Végétaliser. Chers parisiens, vous l’aurez compris, à vos outils !

Céline Coelho

SOURCES

– Site de la FAO (LIEN :  http://www.fao.org/urban-agriculture/fr )

– « Les fonctions alimentaires de l’agriculture urbaine au Nord et au Sud – Diversité et convergences » de Christine Aubry, publication dans le Bulletin de l’Association de géographes français (LIEN : https://journals.openedition.org/bagf/2218 )

 – « Agriculture urbaine », Anthropen.org, de Manon Boulianne, Éditions des Archives Contemporaines (LIEN : https://www.anthropen.org/voir/Agriculture%20urbaine )

– Site de L’Agence Régionale de la Biodiversité en Île-de-France (ARB îdF) (LIEN :  http://www.arb-idf.fr/ )

– Site de la Mairie de Paris (LIEN : https://www.paris.fr/ )

« Stratégie de Paris pour une alimentation durable » (LIEN :  https://www.paris.fr/services-et-infos-pratiques/environnement-et-espaces-verts/agir-pour-l-environnement/la-strategie-de-paris-pour-une-alimentation-durable-5234 )

« Note n°113 – Une agriculture urbaine à Paris – Eléments de réflexion en quelques chiffres »sur le site de l’APUR (LIEN : https://www.apur.org/fr/nos-travaux/une-agriculture-urbaine-paris )

LIENS

Ferme de Paris : https://www.paris.fr/services-et-infos-pratiques/environnement-et-espaces-verts/nature-et-espaces-verts/la-ferme-de-paris-4489

Sous les Fraises : https://www.souslesfraises.com/

L’Epicerie du Toit : https://www.epicerie.souslesfraises.com/

Parisculteurs : http://www.parisculteurs.paris/

Bien Elevées : https://bienelevees.com/

La Parisienne : http://brasserielaparisienne.com/

Agricool : https://agricool.co/

La Caverne : https://lacaverne.co/

AMAP : http://www.amap-idf.org/

La Ruche qui dit Oui ! : https://laruchequiditoui.fr/fr

Au Bout du Champ : https://www.auboutduchamp.com/

Permis de Végétaliser : https://www.paris.fr/permisdevegetaliser

Jardins partagés : https://www.paris.fr/services-et-infos-pratiques/environnement-et-espaces-verts/nature-et-espaces-verts/les-jardins-partages-203


A propos Céline Coelho

Rédactrice digital nomade, écrit pour le blog depuis 2019.

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