L’histoire de la capitale se lit sur son plan, ses monuments et ses façades. Et à chaque époque, ses propres caractéristiques. Alors, si vous vous sentez perdu au beau milieu de l’impressionnante diversité architecturale parisienne, on vous donne les clés pour vous y retrouver d’un simple coup d’œil : suivez le guide !
Rigoureux & structuré : le style Empire (1800-1815)
Après la Révolution qui a secoué le pays, le début du 19ème siècle est marqué par le retour de l’ordre, du moins en architecture. Inspiré de l’Antiquité grecque et égyptienne ou encore de la Renaissance, le style Empire est plutôt classique. Les bâtiments sont massifs et imposants, sans fioritures.
Les points clés à checker pour le reconnaître
- Le haut des portails et de certaines fenêtres est arrondi, formant un demi-cercle (appelé plein cintre ou serlienne)
- L’encadrement des fenêtres rectangulaires est sobre avec une simple moulure
- Sur la façade, des bandeaux horizontaux délimitent chaque étage
- On note la présence de pilastres (piliers encastrés dans le mur)
- De nombreuses statues sont installées dans des niches séparant les fenêtres
- Des balcons filants en fer forgé et peu profonds sont situés au-dessus de la corniche et au 1er étage
Sobre & simple : le style Restauration (1815-1830)
Le faste n’est plus au goût du jour. Les bâtisses luxueuses se font plus rares au profit de logements « populaires ». Leur style est simple et épuré. Au fur et à mesure, la pierre de taille est délaissée pour la construction.
Les points clés à checker pour le reconnaître
- Les immeubles comportent généralement 4 à 5 étages, entresol compris (niveau situé entre le rez-de-chaussée et le premier étage)
- Les façades sont basiques, sans ornement
- Les fenêtres sont rectangulaires et certaines, sont entourées d’un chambranle (encadrement en pierre)
- Les fenêtres situées à l’étage noble peuvent être dotées d’un dais (fronton composé de pierres sculptées)
- Toutes les fenêtres disposent de persiennes (volets en bois constitués de vantaux qui permettent d’arrêter les rayons du soleil sans bloquer la circulation de l’air)
- Les fenêtres sont souvent dotées de balconnets en fer forgé
Moderne & éclectique : Le style Louis –Philippe (1830-1850)
À l’approche du milieu du 19ème siècle, Paris compte de plus en plus d’habitants (env. 800 000) entre ses murs et se trouve confrontée à l’accroissement de l’insalubrité – pourvoyeuses de maladies épidémiques comme le choléra – mais aussi à une augmentation de la circulation des piétons et des carrosses dans les rues. En effet, dans cette ville en constante expansion, il devient de plus en plus difficile de circuler sans être véhiculé. Sous l’impulsion du préfet Rambuteau, des mesures sont prises : certaines voies sont élargies, les nouvelles constructions sont érigées en retrait des autres et les anciennes sont rabotées. Par ailleurs, le réseau d’égouts se modernise. Dans la continuité de l’Empire et de la Restauration, le Style Louis-Philippe se distingue par sa sobriété dans un premier temps, avant d’inclure plus d’ornements à partir des années 1840. Cette seconde partie du mouvement imprégnée par le romantisme laisse place à la créativité dans les décorations, que l’on retrouve parfois en abondance sur les façades, et mélange tous les styles.
Les points clés à checker pour le reconnaître
- Les immeubles passent de 4 à 5 étages
- Les persiennes sont désormais en métal, plus fines et pliables
- Les balcons perdent en profondeur
- Les appuis de fenêtres sont saillants
- On trouve des décorations sur la façade
- L’architecte est reconnu comme un artiste : à partir de 1830, les façades d’immeubles sont signées
Opulent & uniforme : le style Haussmannien (1850-1870)
Napoléon III, président de la République, a pour projet de rendre la capitale et ses rues plus propres, plus saines et plus facilement circulables. Pour l’aider dans cette mission, il nomme le Baron Haussmann préfet de la Seine afin de poursuivre le travail engagé par ses prédécesseurs, Rambuteau et Berger. À partir de 1850, la capitale devient un gigantesque chantier : 560 km d’égouts vont être creusés pour assainir la ville, on créé des jardins publics, on plante des milers d’arbres, on perce d’immenses axes pour fluidifier la circulation, en bref, la capitale reprend une bouffée d’oxygène. En revanche, on détruit plus de 20 000 bâtiments, y compris des monuments historiques, et on rase entièrement certains quartiers tels que l’Île de la Cité pour ériger pas moins de 34 000 nouveaux immeubles, aux codes architecturaux bien précis.
Les points clés à checker pour le reconnaître
- Les immeubles comportent 4 à 5 étages, même 6 dès 1859 et, dès cette date, les hauteurs sont aussi plus importantes
- La façade est en pierre de taille
- Au niveau du rez-de-chaussée et de l’entresol, on retrouve de profonds refends horizontaux sur la façade (lignes creusées pour marquer les joints entre les pierres)
- On trouve un balcon filant au 2ème étage, maintenu par des consoles
- On peut également avoir un ou deux balcons filants situés à d’autres étages
- Les trumeaux – espaces entre les fenêtres – se sont élargis et peuvent être décorés
- La façade est datée et signée du nom de l’architecte qui a conçu l’immeuble
Affranchi & hétéroclite : le style Post-Haussmannien (1870-1895)
En 1870, la capitale vit une période particulièrement tourmentée. Si, dans un premier temps, les constructions s’inscrivent dans la continuité du style des années précédentes, dès 1880, le faste du style Haussmannien laisse place à la sobriété. À partir de 1884, on assouplit les normes de constructions Haussmanniennes pour laisser plus de liberté aux architectes. Ainsi, les façades s’inspirent de styles aussi divers que variés, de l’antiquité grecque ou romaine à la Renaissance en passant par le style gothique, donnant à Paris un tout nouveau visage.
Les points clés à checker pour le reconnaître
- Les frontons se font moins nombreux pour subsister uniquement au 2ème étage
- Les consoles et les dais sont plus discrets
- Alors interdit au Moyen-Âge, le bow-window (ou oriel en français – fenêtre ou baie vitrée en encorbellement) est de nouveau autorisé en 1893 entre le 2ème étage et la corniche. Il doit cependant être réalisé en pierre et ne pas dépasser 40 cm depuis la façade
- La hauteur des combles augmente progressivement
Espace & créativité : la fin de l’Haussmannien (1895-1914)
Le style Haussmannien perdure jusqu’au début de la Première Guerre Mondiale. Mais progressivement, les règles d’urbanisme se font moins strictes, laissant place à plus de liberté, notamment à partir de 1902. Par ailleurs, les habitations sont de plus en plus confortables et pratiques, des ascenseurs électriques sont installés dans les immeubles, ainsi, les étages élevés ne sont plus réservés aux serviteurs mais s’ouvrent aux parvenus…
Les points clés à checker pour le reconnaître
- Les angles des immeubles ont tendance à s’arrondir et à être coiffés de dômes
- Les saillies, peu importe qu’il s’agisse d’éléments de décoration ou de balcons, sont désormais plus profondes, pouvant aller jusqu’à 1,20 m
- On peut retrouver des bow-windows dans les niveaux situés au-dessus de la corniche et ils peuvent être alternés avec des loggias
- Les combles sont de plus en plus hauts
À noter : Entre 1850 et 1914, le visage de Paris est transformé. 60% des immeubles de la ville lumière sont de style Haussmannien.
Libre & décomplexé : le style Art Nouveau (1895-1914)
En parallèle de la fin de l’Haussmannien, un style novateur fait son apparition. Né en 1894, le style Art Nouveau a été créé par l’architecte Hector Guimard qui va s’inspirer de l’Hôtel Tassel (conçu par Victor Horta à Bruxelles en 1892-1893) pour imaginer le Castel Béranger, immeuble d’habitation situé rue Jean de La Fontaine dans le 16ème arrondissement de la capitale. Cette construction va marquer un tournant et devenir le manifeste d’un nouveau style architectural, libéré de toutes règles. On retrouve d’ailleurs le style Art Nouveau à chaque coin de rue parisienne, puisqu’Hector Guimard a dessiné les intemporelles structures qui entourent les bouches de métro !
Les points clés à checker pour le reconnaître
- Les courbes sur la façade sont omniprésentes
- Les ornements représentent des fleurs, des végétaux et des feuillages foisonnants
- On mélange les matériaux mais aussi les couleurs
- Les portes d’entrées des immeubles ne sont plus en bois mais en fer forgé et vitrées
- Les sculptures vont, petit à petit, se multiplier sur les façades
Ordonné & épuré : le style Art Déco (1920-1930)
À l’issue de la Première Guerre Mondiale, les constructions se multiplient à Paris. Seulement, le style Art Nouveau jugé trop exubérant va laisser place à un style plus strict. En effet, l’Art Déco est plus classique et plus sobre que son prédécesseur. C’est le retour des façades rectilignes et dépouillées.
Les points clés à checker pour le reconnaître
- Les façades sont en pierre de taille, en brique ou en béton armé
- Les courbes se transforment en angles droits
- Les ornements sont simples et géométriques
- Les bow-windows s’installent désormais dès le 1er étage
- Les portes-vitrées, garde-corps et balcons sont en fer forgé
- Des bas-reliefs composés de fleurs ou de fruits sont disposés sur les façades
Pratique & sans fioritures : le style Années 30 (1930-1939)
Les Etats-Unis viennent d’être frappés par le krach boursier de 1929 et plongent dans la Grande Dépression. Rapidement, la crise économique va s’étendre outre-Atlantique et toucher la France. Ses effets se répercutent sensiblement sur les constructions du pays et de la capitale. On est alors beaucoup plus attentif au coût de celles-ci. C’est ainsi que le béton armé va faire son apparition, mais restera un long moment dissimulé, couvert de briques par exemple. Les immeubles parisiens bâtis dans les années 1930 sont inspirés du cubisme, ils sont droits, géométriques, sans décoration.
Les points clés à checker pour le reconnaître
- Façades simples, sans ornements
- Absence de courbes, angles droits
- Certains immeubles sont dotés d’une cour côté rue
Durant cette décennie, différents architectes vont initier le Mouvement moderne qui deviendra plus tard le style International. Parmi eux, se trouve Le Corbusier qui a défini les critères phares de cette architecture simple et novatrice : le plan libre pour faciliter l’aménagement intérieur, les larges fenêtres en bandeau pour faire entrer la lumière, les pilotis et le toit-jardin pour s’ouvrir sur l’extérieur et la façade « libre » de toute décoration. Son appartement-atelier situé rue Nungesser-et-Coli à Paris (16ème), est une parfaite illustration de ce nouveau mouvement.
IDÉE BALADE : Circuit d’environ 1h15 pour voyager à travers les époques et l’architecture parisienne.
Départ : Rue de Rivoli, quasiment entièrement bâtie en style Empire. Créée en 1802 pour relier Paris d’Est en Ouest et décongestionner la très fréquentée rue Saint-Honoré, elle forme une unité d’ensemble. Chaque bâtiment est dans la continuité du précédent, conservant les mêmes codes : horizontalité, façades épurées et balcons filants au niveau des lucarnes, de la corniche et à l’étage noble.
Bon à savoir : avec le style Empire, le système de numérotation des rues apparaît. Les rues parallèles à la Seine sont donc numérotées de façon croissante dans le sens du courant, c’est à dire de l’amont vers l’aval. Quant aux rues perpendiculaires, la numérotation débute depuis le fleuve.
Arrivé au niveau du Carrousel du Louvre, remontez l’avenue de l’Opéra pour observer des dizaines de façades Haussmanniennes avant de rejoindre le boulevard Haussmann par la rue Auber ou la rue Scribe pour…
…Tomber nez à nez avec Le Printemps et sa flamboyante architecture Art Nouveau ! Poursuivez en longeant le boulevard pour admirer les Galeries Lafayette (n’hésitez pas à y entrer pour découvrir la superbe coupole Art Nouveau). Continuez votre route en empruntant la rue de la Chaussée-d’Antin avant d’entamer…
…L’ascension de la rue Blanche. En remontant cette rue typique de la capitale qui mène au pied de Montmartre, vous passerez en revue de nombreux styles architecturaux : façades Restauration, Louis-Philippe, Post et Fin Haussmannien.
Une fois devant le célèbre Moulin Rouge, rejoignez le quartier des Grandes Carrières en remontant la rue Lepic pour atteindre le cimentière de Montmartre.
Le quartier des Grandes Carrières : rue Joseph de Maistre, Damrémont, Caulaincourt… Flânez dans les rues de ce quartier dans lequel vous observerez des façades diverses et variées et ne manquez pas de faire un détour par les rues du Square Carpeaux et Eugène Carrière et leurs nombreux immeubles Art Déco et Art Nouveau.
Arrivée : Terminez votre promenade en empruntant la rue Marcadet pour découvrir des ensembles d’habitats Art Déco bâtis dans les années 30 (en particulier ceux situés au numéro 205). Bonne visite !
Céline Coelho
Rédactrice digital nomade, écrit pour le blog depuis 2019.
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