Interview d’Alice Allwright

Alice, 27 ans, vit dans le dix-huitième arrondissement et a passé les 8 semaines du confinement chez elle, avec son amoureux, dans 25 m2 en bas de la colline Montmartre. La jeune femme nous raconte ce qu’elle a aimé, ce qui l’a émue, ce qui lui a manqué. Rencontre virtuelle avec une Parisienne qui voit la vie du bon côté.

Que fais-tu dans la vie ?

Alice Allwright : J’ai la grande chance d’être comédienne. Avant la fermeture des salles de spectacle, je jouais depuis l’été 2018 dans la pièce Edmond, au théâtre du Palais Royal. Je fais aussi partie de la Compagnie du 1er Août, avec qui nous avons monté un spectacle au théâtre de la Tempête à l’automne dernier, Vie et mort d’un chien traduit du danois par Niels Nielsen, qui devrait reprendre en tournée dès que possible.

Quel a été ton parcours pour faire ce métier ?

A.A. : A l’école, j’étais plutôt bonne élève, scolaire. Dans un coin de ma tête, je me disais « fais ça bien pour que ça se termine vite et que tu puisses faire ce que tu veux vraiment après ! ». Je me suis un peu cherchée en faisant une année de droit à la fac après mon bac. Puis j’ai pris conscience que j’avais le droit de suivre mon instinct. J’ai été à l’école de théâtre Les Ateliers du Sudden pendant 4 temps. Je vivais d’abord chez ma mère en banlieue, puis j’ai pris un petit appartement à Paris. Je cumulais mes cours d’art dramatique et un job de vendeuse de sous-vêtements.

Et une fois diplômée, tu as trouvé tout de suite du travail en tant que comédienne ?

Non, après mes études, je n’ai pas bossé très régulièrement. Ça m’a pris 3 ans et demi avant d’avoir mon statut d’intermittente. J’ai fait un spectacle au festival d’Avignon en sortant d’école, puis j’ai bossé sur des projets non-payés qui m’ont servi à rencontrer des gens du milieu et à acquérir de l’expérience : courts-métrages étudiants, pièces de théâtre… Pour pouvoir faire ces projets tout en gagnant ma vie, je faisais des missions d’hôtesses, des extras pour des traiteurs, de la figuration… Bref, le quotidien des artistes qui ne sont pas encore intermittents du spectacle ! Je suis même retournée vivre un temps chez ma mère, pour économiser le prix exorbitant d’un loyer parisien. Et puis d’un coup, il y a trois ans, les choses ont bougé. Notre compagnie a remporté un concours qui nous a permis de faire des répétitions payées pour un spectacle pendant deux mois. En parallèle, j’ai passé un casting pour une pièce qui marchait bien, et j’ai été prise pour un mois de répétitions et six de représentations ! Et j’ai enchaîné avec Edmond, dans laquelle je joue encore.

Pendant le confinement, tu n’as donc pas travaillé du tout ? Comment l’as-tu vécu ?

Tout s’est arrêté d’un coup ! Mais nous sommes privilégiés, car au moins nous avons la quasi-certitude que notre pièce va pouvoir reprendre dès que les théâtres seront autorisés à rouvrir. Ce n’est pas le cas de beaucoup de compagnie qui risquent de perdre les engagements qu’ils avaient auprès des théâtres.

Pendant le confinement, j’ai eu plusieurs phases. D’abord, j’ai profité de cette pause forcée pour rattraper tout le sommeil en retard, lire, jouer du piano, passer du temps avec mon amoureux, apprendre à cuisiner… C’était agréable de pouvoir prendre le temps de faire tout ça, de couper de la vie parisienne un peu frénétique, sans culpabiliser. Au bout de 3 semaines-un mois, j’ai pourtant commencé à ressentir un gros manque de mon travail : les retrouvailles avec la troupe, l’ambiance dans les loges, le rendez-vous quotidien avec le public, l’adrénaline que ça procure… C’est unique, et j’ai vraiment envie de retrouver tout ça.

Et puis est venue une troisième phase, plus active. On sait que les théâtres ne vont pas rouvrir avant longtemps, alors pourquoi ne pas réinventer la manière dont je travaille ? J’ai décidé d’activer de nouveaux réseaux, ce que je ne prenais pas le temps de faire avant car j’étais prise dans le confort de mon spectacle. J’ai fait ma bande-démo voix, et l’ai envoyée à un tas de boites de production sonore. L’avantage du doublage et de la voix-off, c’est qu’on peut bosser seul dans un studio, même en ces temps confinés. J’ai toujours voulu en faire, ça m’intéresse de jouer sans apparaître. Je vais aussi faire de nouvelles photos pour mon book au mois de juin, et participer à un stage de casting en juillet. Histoire de profiter de ce temps suspendu pour devenir plus polyvalente !

A propos de mouvement, quels modes de transports utilises-tu pour te déplacer à Paris ?

Depuis les grèves de fin 2019, je marche beaucoup plus qu’avant, et j’adore ça. Quand j’ai le temps, j’aime flâner à pied dans Paris. Ces derniers temps il n’y avait personne dans les rues, j’ai redécouvert mon quartier, c’était génial. Je me suis aussi mise au Vélib’ très récemment ! Je ne sais même pas pourquoi je n’ai pas fait ça plus tôt, c’est très agréable.

Qu’est-ce que tu aimes dans ton quartier ? As-tu des lieux coup de cœur à nous partager ?

J’habite dans le 18e arrondissement, entre Barbès et Montmartre. J’adore me balader sur toute la colline de Montmartre, ses vignes, ses petites rues pavées derrière la Place du Tertre, avec de jolies maisons, de la glycine partout… Quand on redescend derrière sur la Rue Caulaincourt, il y a une foule de petits magasins très sympas. En restant chez moi ces derniers temps, j’ai redécouvert le plaisir du commerce de proximité ! Pour manger une bonne glace, je marche jusqu’à Glazed, rue des Martyrs. Ils font des glaces artisanales aux parfums hyper originaux : pistache-sésame, mangue-piment d’Espelette… Un régal ! Et comme la pizza est mon plat préféré, je craque régulièrement chez Bijou, mon petit pêché mignon du quartier ! 

Maintenant qu’on peut de nouveau sortir, quelles-sont les sorties culturelles que tu prévois de faire ?

J’allais beaucoup au cinéma et voir des concerts, avant le confinement. Il va falloir attendre encore un peu pour tout ça, en revanche j’ai vu que le Musée Jacquemart-André allait rouvrir son expo sur Turner fin mai, j’ai très envie d’y aller !

As-tu aussi des voyages de prévus ?

L’interdiction de voyager est vraiment difficile pour moi, surtout qu’une partie de ma famille est en Suède et que nous avons tous hâte de nous réunir ! Dès que les frontières seront rouvertes, c’est là que j’irai. Par ailleurs, j’avais prévu un voyage sur la côte atlantique du Maroc pour surfer, qui a été annulé et que j’espère reprogrammer au plus vite.

Donc tu aimes aussi le sport ?

Oui beaucoup, et mes cours de boxe me manquent ! J’en fais dans un endroit génial qui s’appelle Le Cercle, on fait de la boxe et du renforcement musculaire dans une ambiance très ludique. J’aime le sport quand il permet de se défouler et de se marrer. Hors de question de courir sur un tapis, je m’ennuie trop ! J’ai aussi une appli bien pratique, ClassPass, qui permet de réserver des cours de sport dans plusieurs salles différentes, à Paris et ailleurs. C’est très cool parce que ça me permet de tester des disciplines variées pour voir ce que j’aime ! Par exemple : je sais maintenant que j’adore le bikram yoga et je déteste le crossfit !

Est-ce que toi aussi tu faisais partie des gens qui ont fait des footings quotidiens pendant le confinement ?

Pas du tout ! Au début, on se donnait rendez-vous sur Facetime avec ma mère pour se lancer un cours en ligne ensemble. Ça nous permettait de nous motiver mutuellement. Mais au bout de trois semaines, j’en ai eu marre. J’étais zen, au calme, je ne ressentais pas le besoin de me défouler… Je n’avais pas envie de me forcer à faire du sport « pour le sport ». Et puis, le fait d’être en salopette oversized toute la journée permet de ne pas être obsédée par mon corps !

D’ailleurs, quels-sont tes gestes beauté du quotidien ?

J’aime bien rester naturelle, et je suis de plus en plus OK avec ça. Je me coiffe peu, et j’utilise le moins de produits possible pour ménager ma peau. Une eau tonique pour nettoyer le visage, une crème hydratante, et c’est tout ! Je peux très bien sortir sans me maquiller les yeux ou les lèvres, mais je fais souvent un petit effort pour le teint, notamment avec un anticernes, mon arme pour masquer les petits boutons, cicatrices et autres signes de fatigue.  J’essaie de ne pas trop céder aux injonctions de l’industrie des cosmétiques. On n’est pas parfait, et ce n’est pas grave ! Les magazines essayent de nous faire croire qu’on doit cacher nos imperfections. Moi j’appelle ça des irrégularités. C’est normal, et c’est beau.

Pendant la grande pause imposée par le confinement, as-tu découvert des œuvres qui t’ont plu ?

Oh que oui ! Moi qui ne suis pas fan de séries, j’ai binge-watché les trois saisons de La servante écarlate sur OCS, juste après avoir terminé le livre de Margaret Atwood. C’est vraiment excellent ! J’ai aussi vu plein de films, notamment la trilogie du Parrain, que j’ai adorée, le magnifique Mustang, et un des premiers films des frères Coen Le Grand Saut, très drôle.
Côté livres, j’ai beaucoup aimé l’essai Sorcières, de Mona Chollet. J’y ai appris plein de choses pour solidifier mon apprentissage du féminisme ! J’ai aussi halluciné devant le documentaire Beyond The Curve, à propos des « flat-earthers », qui pensent que la Terre est plate. Fascinant.

Quels-sont tes projets, maintenant ?

Déjà, revoir ma famille, mes amis. Côté pro, je devrais avoir quelques projets d’enregistrement voix sur les prochaines semaines. En attendant la réouverture des théâtres, je n’arrête pas de m’inspirer en regardant les gens dans la rue, en lisant, en regardant des captations de théâtre, des films. J’ai la chance immense d’avoir déjà validé mon statut d’intermittente pour cette année, donc je n’ai pas l’angoisse qu’ont certains autres artistes et techniciens du spectacle, mais je croise les doigts pour que le spectacle vivant reprenne au plus tôt. C’est important !

Les adresses coup de cœur d’Alice

  • Glazed : 54 rue des Martyrs 75009 Paris
  • Bijou : 10 rue Dancourt 75018 Paris
  • Musée Jacquemart-André : 158 boulevard Haussmann 75008 Paris (exposition Turner jusqu’au 11 janvier 2021, réservation obligatoire par internet)
  • Le Cercle : 6 rue de Clignancourt 75018 Paris
  • Class Pass : https://classpass.com/search/paris/fitness-classes/59Mk1Jt5Yy5

Adeline Adelski

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