Dans les secrets de l’Opéra

Une visite guidée l’Opéra Garnier, ça ne vous tente pas ? Eh bien, vous auriez tort de vous en priver… Car c’est tout simplement magique !

Il y a foule, ce dimanche matin. Je fais la queue pour prendre mon ticket. La visite guidée commence dans cinq minutes, à 11 h 30… Théoriquement.
Je me retrouve dans un groupe avec une vingtaine d’autres visiteurs. Souriante, notre interprète s’appelle Émilie. Équipée d’une tablette tactile, elle nous distribue un boîtier avec des écouteurs pour nous permettre de suivre ses explications à distance, sans être obligés de nous agglutiner autour d’elle et de tendre l’oreille pour finalement n’entendre que la moitié de ses explications. Pratique !

La valse des “faux-culs”
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Vingt minutes plus tard, la plongée dans l’histoire de l’Opéra commence. La visite débute dans la Rotonde des Abonnés. Située sous la salle, cette grande rotonde permettait à la bonne société de l’époque d’attendre le début des représentations… et de se montrer, de se pavaner, de critiquer. « Saviez-vous que l’expression “faux-cul” désignait à l’origine ce rembourrage de tissu que ces dames portaient à l’arrière de leurs robes ? » interroge notre guide. Les glaces autour permettait d’admirer discrètement sa toilette, son allure… et d’épier ses rivales.
On apprend également que les hommes venaient les lundis avec leur femme, les mercredis avec leur fille, afin de leur trouver un bon parti. Le vendredi, en revanche, était le jour où ils arrivaient au bras de leur maîtresse.

Le style Napoléon III
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Nous empruntons ensuite l’imposant escalier en marbre. Au pied, deux statues de femmes en bronze portant chacune une torche et deux salamandres, emblème de François 1er. De façon symbolique, ces deux représentations étaient là pour conjurer le mauvais sort et écarter la menace de l’incendie, la salamandre étant le seul animal à pouvoir traverser le feu sans dommage. Car il ne faut pas oublier que, construits en bois, les douze Opéras précédents avaient brûlé. Plus prosaïquement, elles permettaient de dissimuler les conduites qui alimentaient les lampes à gaz ; elles cachent aujourd’hui les fils électriques.
« On évoque beaucoup le “style Napoléon III » puisque l’Opéra a été construit à la demande de celui-ci. Mais il s’agit en réalité d’une formule commode choisie par le jeune architecte Charles Garnier pour désigner le mélange de styles qu’il avait adopté pour son œuvre et qui déplaisait à l’impératrice Eugénie… Une “appellation fourre-tout” qui a finalement satisfait tout le monde, y compris le couple impérial », sourit Émilie.
Nous nous retrouvons bientôt dans la salle même de l’Opéra, où la couleur rouge prédomine. En forme de fer à cheval, elle permet à tout le monde… surtout de se montrer et de regarder les autres. La preuve en est que, de certains sièges, on ne voit même pas la scène !
Celle-ci, magnifique, « pourrait contenir l’Arc de Triomphe ».

Quand un chef-d’œuvre en cache un autre…
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Au plafond, une fresque, gigantesque. En réalité, un faux plafond qui, à l’origine, permettait d’allumer les lampes à gaz de l’immense lustre. Pour l’anecdote, l’histoire du “Fantôme de l’Opéra” a été inspirée d’un fait réel : un soir de représentation, ce magnifique lustre se décrocha et tomba sur les spectateurs, tuant une femme assise sur le siège… numéro 13.
Peint par Jules-Eugène Lenepveu, cette fresque a malheureusement été noircie par les émanations de gaz des lampes. Elle est aujourd’hui caché par une autre, celle de Marc Chagall, commandée à l’artiste en 1964 par André Malraux, alors ministre de la Culture. Cette œuvre est l’hommage d’un artiste peintre à quatorze artistes musiciens prestigieux – Mozart, Wagner, Berlioz, Verdi, Beethoven, Ravel, Gounod, Tchaïkovski, Debussy, Bizet, Rameau, Moussorgski, Stravinski et Adam – représentés par leurs compositions : La Flûte enchantée, Tristan et Isolde, Le Lac des Cygnes, Romeo et Juliette, Pelléas et Mélisande, La Traviata…
Les 240 mètres carrés de cette peinture ont été réalisés dans l’atelier de l’artiste. Douze panneaux qui ont été montés sur des armatures pour préserver la fresque du prédécesseur. « Cette contribution artistique de Chagall, gratuite il ne faut pas l’oublier, a été très critiquée. Moi, je trouve qu’elle se marie bien avec l’ensemble et qu’elle correspond parfaitement au style Napoléon III, vous ne trouvez pas ? » poursuit Émilie. Pour ma part, je trouve…. Et tant pis pour les grincheux !

L’astucieux Charles Garnier
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Après la salle, nos pas nous dirigent vers le grand foyer, inspiré de la Galerie des glaces de Versailles et qui, jusqu’en 1875, année de l’inauguration officielle, était interdit aux femmes. La vue sur l’avenue de l’Opéra est magnifique. « L’empereur l’a voulue sans arbres, des repères potentiels d’assassins. Il ne faut pas oublier qu’il avait échappé de peu à un attentat… dont le commanditaire était caché dans un arbre », souligne notre guide.
À l’époque, les architectes n’avaient pas le droit de signer leur œuvre de leur nom. Aussi, très malin, Charles Garnier, apposait-il son nom en grec ou se représentait-il discrètement en peinture.
Commencée en 1861, la construction de l’Opéra s’acheva en 1874. Elle coûta l’équivalent de près de 330 millions d’euros. « Ce qui n’est rien pour un tel chef-d’œuvre. En comparaison, le bâtiment moderne de l’Opéra de la Bastille a coûté 360 millions d’euros ! »

Sous les applaudissements
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Le soir de l’inauguration, Charles Garnier fut le seul invité à devoir payer sa place. Mais à la sortie, sur les marches, tout le monde le reconnut et il reçut un tonnerre d’applaudissements. L’affront était lavé.

La visite a duré près de deux heures. Je n’ai pas vu le temps passer. Dans le métro qui me ramène chez moi, j’ai la tête pleine d’un tourbillon d’images et d’anecdotes. Aujourd’hui, l’histoire de l’Opéra de Paris m’habite encore. Désormais, lorsque je contemple l’architecture de ce magnifique ensemble, je le fais avec la tendresse de celle qui a partagé ses secrets.

Marina Al Rubaee

Horaires des visites guidées :
les mercredi, samedi et dimanche, à 11 h 30, 14 heures et 15 h 30.
Tous les jours aux mêmes horaires pendant les vacances scolaires
Prix adulte : 14,50 € par personne.
Prix enfant (-10 ans) : 7,50 € par personne.
Prix étudiant (-26 ans) : 10 € par personne.
Adresse : 8 Rue Scribe, 75009 Paris
Site internet : www.operadeparis.fr

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