Audrey Tautou, actrice nommée aux Césars, s’empare d’un nouveau rôle : photographe. Superfacial s’installe sur la barge Quai de la Photo du 5 juin au 10 septembre 2025. Entrée libre. Cinquante tirages exposés. Elle y révèle autoportraits, visages de journalistes et silhouettes anonymes. Aucun artifice. Juste des clichés bruts, drôles, parfois troublants. Le cadre flottant sur la Seine renforce le décalage. Le Lutèce du Parisien vous plonge dans cette aventure visuelle unique. Prêt à voir Audrey Tautou sous un autre angle ?

Autoportraits déconcertants : la star se met à nu
Audrey Tautou braque son objectif sur sa propre tête. Les tirages, parfois petits, parfois grands, sont tous signés de sa main : un mot griffonné en marge, un dessin esquissé sur le coin d’un portrait. Cette démarche, elle l’appelle “Superfacial” : un jeu entre la surface et ce qui se cache derrière.
On découvre un autoportrait où l’actrice fixe l’appareil, la paupière basse, un bandeau posé sur le front. En légende manuscrite : “Qui suis‑je quand on ne pose plus ?” Dans un autre cliché, elle mime un mugshot (portrait photographique pris par la police après une arrestation), bras croisés sur la poitrine, le regard indécis. La star apparaît à nu, drôle et sombre à la fois.
Le visiteur devient voyeur : la célébrité se frotte à son public. L’effet miroir prend tout son sens. Tautou casse l’écran qui la sépare du monde. Elle se révèle sans fard, parfois crue, souvent touchante. Ces images dévoilent la fragilité derrière l’actrice du Fabuleux destin d’Amélie Poulain.
Chaque autoportrait invente une distance nouvelle : ni totalement cliché, ni totalement intime. L’actrice joue de son image publique et en détourne les codes. Elle pose un regard inédit sur la célébrité : celle qui fait danser la surface, pour mieux toucher le fond.

Visages de presse : angles inédits sur les journalistes
Dans un coin de la barge, autre série de photos, Audrey Tautou capte des visages connus des avant‑premières. Les journalistes, d’ordinaire invisibles derrière leurs micros, se retrouvent soudain sous la lumière. Chaque cliché porte la patine du grain argentique : un voile doux sur les rides d’expression, un relief discret sur les regards posés.
Sur l’un d’eux, un envoyé spécial tient son calepin comme un bouclier. On devine l’instant où il note une phrase clé. Dans un autre, une critique de cinéma ferme les yeux un bref instant, comme pour savourer la projection passée. Ces images dégagent une grande empathie : le métier se révèle intime, presque fragile.
La scénographie respecte cette intimité : les tirages s’accrochent à mi‑hauteur, à portée de main. Vous frôlez le papier, vous sentez le contraste entre la star en autoportrait et ces visages empreints de sérieux et de passion. L’effet : un dialogue muet entre l’actrice et le public, un hommage aux passeurs d’images et de mots.
Ici, le projecteur ne brille pas sur l’écran : il éclaire la profession. Vous voyez ceux qui vous permettent de connaître les films. Vous sentez leur énergie, leur concentration, leur humanité. L’instantané devient témoignage.

Photos d’anonymes : figures de dos et question du regard
Dans une troisième série de clichés, au détour d’un couloir, Audrey Tautou capte des passants de dos. Des silhouettes floues, drapées dans leur quotidien. Pas de visage, juste une posture. Ce choix frappe : ici, la célébrité s’efface, l’anonymat prend le devant.
Vous croisez peut‑être un touriste, un employé de bureau, un étudiant pressé. Leurs dos dressent des points d’interrogation. Qui regarde qui ? Vous observez ces corps immobiles : vous devenez spectateur de l’invisible. Le mur blanc se reflète dans leurs épaules, comme un écran vierge.
Ce jeu de renversement met la célébrité à portée de chacun. L’actrice disparaît dans la foule qu’elle-même photographie. Un dialogue silencieux s’engage : vos yeux scrutent ces dos, vos questions s’invitent dans la galerie. Quel rapport entretient-on avec l’inconnu ? Pourquoi tourner le dos ?
La scénographie renforce ce face‑à‑face implicite. Les tirages se succèdent sans légende, sans attribution. Vous hésitez : reconnaissance ou méconnaissance ? Chaque pose devient miroir : le visiteur se reconnaît dans l’ombre de l’autre.
La série installe un jeu de regards inversés. On croit regarder un sujet… et en réalité, on se regarde soi-même. C’est une réflexion sur la visibilité, la célébrité, la présence absente. Un clin d’œil discret à notre propre curiosité.

Quai de la photo, une scénographie fluviale
La galerie flotte. Ancrée au port de la Gare, la barge se présente comme un écrin flottant. Vous montez à bord et découvrez un espace épuré : murs blancs, sol clair, aucune fioriture. Le design mise sur l’essentiel : vos pas, vos regards, les tirages d’Audrey Tautou.
Le plafond vitré laisse passer une lumière naturelle. Le soleil se reflète sur la Seine. Par moments, un bateau passe au loin. Le clapotis de l’eau devient bande-son. Vous vous sentez à la fois ici et ailleurs.
Cette intimité sur l’eau renforce l’effet des photos. Pas de béton massif, pas de foule compacte : juste vous, l’œuvre et le fleuve. Le contraste entre Paris minéral et la barge légère fait sens : la célébrité flotte, elle se fait discrète.
Des visites guidées gratuites ont lieu de mercredi à dimanche, l’après-midi. Une médiatrice vous dévoile les coulisses de chaque série. Vous y trouverez des repères historiques et des clés d’interprétation. Pour profiter de l’expo, rendez-vous au 9 port de la Gare dans le 13e, du jeudi au samedi de 12h à 2h, le mercredi de 12h à 1h et du lundi au mardi et le dimanche de 12h à minuit.

Sur la barge, l’expo devient une parenthèse. Le regard se pose. La célébrité se révèle sous un jour nouveau. Vous sortez apaisé et, peut‑être, un peu transformé.
En visitant Superfacial, vous n’êtes plus un simple spectateur : vous devenez objet de l’image. Prenez le temps d’observer chaque tirage, chaque angle, chaque mot griffonné. Vous verrez peut‑être votre propre reflet dans les silhouettes ou les vitres de la barge. Alors, sur les quais, avez‑vous déjà repéré votre visage ?
Rédactrice digital nomade, écrit pour le blog depuis 2019.