Exposition « Paris 1910-1937. Promenades dans les collections Albert-Kahn » : Paris comme vous ne l’avez jamais vue

Du 16 septembre 2020 au 11 janvier 2021, La Cité de l’Architecture et du Patrimoine vous invite en « Promenades dans les collections Albert-Kahn ». À travers une collection d’images exceptionnelles, immortalisées grâce à des techniques novatrices pour l’époque, l’exposition invite à porter un regard nouveau sur Paris, capitale à la fois inébranlable et en constante métamorphose.

Les Archives de la Planète

Banquier de profession, Albert-Kahn (1860-1940) a dédié sa vie et consacré sa fortune à la création d’un inventaire visuel universel : les Archives de la Planète. Ce projet initié en 1909 avait pour objectif de « fixer une fois pour toutes des aspects, des pratiques et des modes de l’activité humaine dont la disparition fatale n’est qu’une question de temps ». Pour cela, il va alors missionner une douzaine d’opérateurs aux quatre coins du globe pour capter le monde en pleine mutation. Profondément philanthrope, il souhaite montrer aux élites les différences culturelles qui subsistent entre toutes les civilisations de la planète. Voir et comprendre le monde avec ses altérités est synonyme pour lui de richesse et de progrès. Nommé directeur scientifique en 1912 de ce projet exceptionnel, le géographe Jean Brunhes axe les thématiques des prises de vue sur les relations entre l’homme, la société et son environnement. Selon lui, il devient urgent de constituer « un dossier de l’humanité prise en pleine vie, à l’heure critique de l’une des mues économiques, géographiques et historiques les plus complètes qu’on ait jamais pu constater ».

Des images exceptionnelles de Paris

Les opérateurs d’Albert-Kahn ont sillonné les contrées les plus exotiques de la planète mais pas seulement… Paris a été, pendant plus de 25 ans, un terrain d’observation remarquable. Ce sont près de 5 000 autochromes et 90 000 mètres de films qui lui ont été consacrés, soit l’archive la plus conséquente de la collection et pourtant, la moins connue et la moins étudiée. Au fil de cette exposition, La Cité de l’Architecture et du Patrimoine permet aux visiteurs de découvrir 120 autochromes, des films et plusieurs documents (carnets, affiches, maquettes, etc.) de Paris entre 1910 et 1937.

À la rencontre d’une capitale multiséculaire, grandiose et poétique

La première partie de l’exposition, intitulée « Persistances », s’ouvre sur la projection d’un film dressant le portrait de Paris à travers des panoramas captés depuis les toits de la ville. À travers ces images, c’est toute la dimension patrimoniale de la capitale qui est mise en lumière. On découvre ensuite l’autochrome, inventé par les Frères Lumière en 1903 – procédé industriel permettant de produire des photos en couleur – dont Albert-Kahn équipera ses opérateurs. La promenade dans Paris se poursuit avec plusieurs dizaines de prises de vue de monuments. C’est le Paris emblématique et historique qui est immortalisé ici. Pas de mouvement, pas de vie sur ces clichés, impossible à rendre avec l’autochrome. Ce Paris figé semble intemporel.

George Huisman disait en 1925, « comprendre les monuments de Paris, c’est comprendre la beauté, c’est expliquer avec le secours de l’architecture, l’évolution politique, sociale, morale de la capitale de notre pays ». En effet, après une ode aux plus beaux monuments de la capitale, immersion dans le Paris au temps de la première Guerre Mondiale. La ville change de visage. Si les images rapportées datent principalement de 1914 et de 1918, elles permettent de découvrir les mesures étonnantes mises en place afin de protéger les monuments de Paris.

Paris est une fête

Après quelques clichés de la Grande Guerre, place au Paris florissant, réjouissant et créatif avec un focus sur l’Exposition Internationale des Arts Décoratifs de 1925. Paris rompt alors avec son passé et prouve au monde entier ses capacités à innover. Le style Art Déco est désormais le maître mot. Lors de cette manifestation internationale qui attirera le monde entier d’avril à octobre 1925, les 150 pavillons, bâtiments et galeries érigés partout dans la ville redessinent le paysage architectural de Paris. Grâce aux opérateurs d’Albert-Kahn qui ont capté cet évènement planétaire, nous découvrons un autre visage de Paris. Si certaines de ces constructions inédites et incroyables ont subsisté, d’autres ont été détruites, comme notamment le Palais du Trocadéro que l’on peut voir sur plusieurs œuvres exposées.

À travers les différents films qui rythment la visite, nombre d’entre eux témoignent des moments festifs qui animent les rues de la capitale, surtout sur les Grands Boulevards, où la vie sociale et culturelle est particulièrement trépidante. C’est le temps des années folles, de l’effervescence, de la fête. On s’arrête quelques minutes pour visionner des montages vidéo, parfois en couleur, manifestant l’engouement des français pour les foires parisiennes et spectacles de rue, très populaires dans les années 1920.

La Seine et le Vieux Paris

La visite se poursuit au fil de la Seine. Symbole de la ville, elle est un sujet largement abordé et immortalisé dans les Archives de la Planète. On la découvre ici sous de nombreuses facettes et notamment lors de ses crues qui ont plongé Paris sous les eaux en 1910 et 1924 : des clichés impressionnants !

Immersion ensuite dans le Vieux-Paris, menacé de destruction dans cette ville en pleine transformation aspirant à plus de modernité. On observe des témoignages touchants et nostalgiques de ce Paris populaire des quartiers bâtis au Moyen-âge. Mais à travers les clichés pittoresques, c’est aussi le Paris insalubre qui est montré : nous voilà au tournant de cette exposition mais aussi de l’histoire de la capitale, tiraillée entre passé et inéluctable besoin de modernité.

Paris amorce sa transition

Cette seconde partie de l’exposition, intitulée « Mutations », rend compte des perspectives de progrès de la ville qui cherche à répondre aux besoins de logements, d’hygiène et de salubrité. Profondément concerné par les questions sociales et d’hygiène et tourné vers le progrès, Albert-Kahn adhérait aux théories hygiénistes selon lesquelles le manque de lumière, d’aération, la saleté et la promiscuité de certains logements semblaient favoriser la transmission de la tuberculose. Des ruelles étroites, insalubres, sombres ont été photographiées par les opérateurs. On y découvre aussi un plan des « îlots tuberculeux » de la ville datant des années 1920. De plus, foyers de transmission des épidémies de syphilis et de tuberculose, plusieurs maisons closes parisiennes ont également été immortalisées à l’aube de leur fermeture, pour raisons d’hygiène mais aussi de revendications morales.

Paris s’agrandit, se transforme et se modernise

L’heure des grands travaux a sonné pour Paris ! Les documents, films et autochromes présentés témoignent des travaux entrepris pour adapter Paris à la vie moderne. On y observe des clichés de la Gare de l’Est en plein agrandissement, désormais plus en mesure d’accueillir tous ses visiteurs et de leur assurer suffisamment de confort. C’est aussi le temps de la percée des grandes artères parisiennes pour faciliter la circulation. Les archives exposées rendent compte du mouvement trépidant dans les rues de la capitale où tramways, autobus, automobiles s’entrechoquent avec les charrettes et les piétons.

En effet, vie moderne rime avec plus de mobilité et l’agglomération qui s’étend doit permettre à ses habitants de relier Paris aux zones industrielles, lotissements et nouvelles infrastructures. Mais ce Paris modernisé et étendu repousse dans ses marges les plus pauvres dans les baraques de fortune de « La Zone ». Les photos de la périphérie de Paris contrastent avec celles prises au cœur de la ville : le temps de la réflexion sur le Grand Paris est lancé…

Une réflexion plus que jamais d’actualité et quand la visite s’achève, impossible de ne pas faire de rapprochement dans son esprit, entre le Paris d’hier et celui d’aujourd’hui.

Cette promenade d’une heure au cœur de la capitale invite les visiteurs à partager un fragment de vie (1910-1937) de la Ville Lumière. On la découvre aussi bien meurtrie que pleine de vie, tantôt sombre, poisseuse et décrépie, que lumineuse, rayonnante et moderne : de quoi prendre conscience de l’intérêt de ces archives incroyables et atypiques qui ont permis de capter l’essence d’une ville aussi immuable que changeante.

Céline Coelho

Informations pratiques

Paris 1910-1937. Promenades dans les collections Albert-Kahn – du 16 septembre 2020 au 11 janvier 2021

Cité de l’Architecture & du Patrimoine

1, place du Trocadéro et du 11 novembre – 75116 Paris

Tarifs : réduit 9 euros / plein 12 euros – réservation en ligne obligatoire


A propos Céline Coelho

Rédactrice digital nomade, écrit pour le blog depuis 2019.

A la découverte de la Place des Vosges : ici

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.